Page:Boucher de Perthes - De la misère.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
(42)

Nous ne nous étendrons pas davantage sur ce sujet, quoiqu’il puisse donner lieu à de longs développemens ; mais de ce qu’on vient de dire, on peut conclure que malgré l’inactivité de la femme en général, et la modicité des sommes qu’elle rapporte à la communauté, la misère chez tous les peuples européens naît moins de ses fautes que des nôtres. C’est donc l’intelligence, la volonté ou le goût de l’économie qu’il faut donner à l’homme, et c’est l’esprit du travail, en lui en facilitant les moyens, qu’on doit inspirer à la femme. Vouloir et prévoir font partout la paix et l’aisance du ménage.

La misère, toutes les misères à très-peu d’exceptions près, naissent, subsistent et s’acclimatent par suite de cette double cause : absence de vouloir et oubli de calcul. On ne veut rien faire, on ne songe à rien, on vit au jour le jour. Aujourd’hui on est mal, et l’on est plus mal le lendemain ; on s’identifie avec ce malaise, on y demeure et l’on expire sans même avoir économisé son suaire ; et cela parce qu’on le veut ainsi.

L’indigence est donc toujours la suite de l’imprévoyance si elle n’est pas celle de l’inconduite.

À ces causes de pauvreté, il faut en ajouter une qui dépend moins directement du vouloir, bien qu’elle tienne aussi à l’imprévoyance : c’est la différence du prix d’achat, différence toute au préjudice du pauvre qui, partout, paie plus cher que le riche parce qu’il achète par petites portions et dans les magasins de débit où l’on ne vend que de troisième ou de quatrième main. Or, quand un objet a passé dans quatre mains pour arriver au consommateur, ces quatre mains ont fait nécessairement un bénéfice qu’en définitive ce consommateur paie ; il rembourse à tous leurs avances et leurs impôts, et à tous il donne un gain ; il le donnerait à dix et à vingt s’il y en avait dix ou vingt ; et c’est ainsi qu’à la fin de l’année le pauvre a acheté en détail les objets de sa consommation le double de ce qu’ils coûtent en gros. Ajoutez à ce double déboursé