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Page:Boucher de Perthes - De la misère.djvu/49

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celle de leur aisance. Mais l’infériorité de l’ouvrier de fabrique vient-elle de la fabrique et du travail collectif ? Non ; cette union des bras devrait bien plutôt amener un résultat utile et faire pencher la balance de l’aisance en faveur de ces derniers ; s’il n’en est pas ainsi, c’est que le bénéfice réel de la position est annulé par les vices, par l’ignorance, par les mauvaises habitudes des individus, et aussi peut-être par l’indifférence du maître qui tient moins aux hommes qu’à ses outils, quand ils coûtent moins cher à remplacer. Parvenez, dans les manufactures, à développer le moral de l’ouvrier à l’égal de celui du journalier, il ne sera pas plus malheureux que lui, et les pays de fabrique n’offriront pas plus de pauvreté que les autres.

On a prétendu que l’invention ou le perfectionnement des machines et surtout l’application de la vapeur à l’œuvre, étaient une source de misère. Sans doute les machines rendent un grand nombre de bras inutiles aux fabriques ; mais les bras ne sont-ils nécessaires que là, et n’est-il que des fabriques pour faire subsister les hommes ? Ne subsistaient-ils points quand il n’y en avait pas ? la matière travaillable est-elle épuisée, la terre entière exploitée ? Loin de là ; l’agriculture, qui manque d’instrumens, réclame ceux qui sont inoccupés.

On répondra que l’homme accoutumé dès son enfance à faire du drap, à tisser de la laine ou du coton, ne peut plus devenir laboureur ou jardinier. C’est possible ; et l’emploi des mécaniques a pu causer un trouble momentané dans la vie de l’ouvrier ; il a pu en ruiner, en tuer même un certain nombre, mais le non-emploi de ces machines les aurait tués de même et plus vite : c’était seulement par elles qu’on pouvait soutenir la concurrence. Sans les mécaniques et la vapeur, toutes les manufactures seraient tombées en France, et sans fabriques plus d’ouvriers.

Ces machines ne fussent-elles pas absolument nécessaires