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distribution d’oboles, ou de ce qui ne peut ni enrichir ni nourrir. Quand nous ne cédons pas à la peur, nous cédons à l’importunité et à l’impatience ou bien à notre amour-propre ; nous donnons, pour qu’on le voie ou pour qu’on nous laisse en repos, nous donnons de colère et au mauvais sujet qui, à nos yeux dépensera notre don en eau-de-vie, tandis que nous laisserons mourir de faim le véritable pauvre, parce qu’il n’est ni effronté, ni importun, et menaçant. Dans tout ceci, point d’humanité, nul amour du bien public, nulle réflexion ; et cependant nous devrions faire celle-ci ; ou celui à qui nous donnons est un infirme, un vrai pauvre qui ne peut travailler et qui n’a ni pain ni vêtement, ni logis, et notre denier ou même notre franc n’est point en rapport avec ses besoins et n’y remédie qu’imparfaitement ; ou bien, c’est un homme sain et capable qui mendie parce qu’il veut mendier ou encore parce qu’il ne trouve pas à travailler ; dans le premier cas, c’est à nous, par l’exemple et le raisonnement, à changer son caprice, son mauvais vouloir, dans le second, c’est encore à nous à lui donner du travail et à ranimer son courage.

Nous avons dit plus haut, que la misère des trois quarts des pauvres de nos pays civilisés, tient à leur volonté ou plutôt à l’absence de volonté ; ils ne veulent point travailler, ou en travaillant ils ne veulent rien faire de ce qui pourrait les faire vivre de leur travail. À ce sujet, j’ai questionné plusieurs centaines d’individus de tout âge, de tout sexe, mendians ou pauvres honteux, et il n’en est pas un dans la vie duquel je n’aie reconnu une cause volontaire de misère ; plusieurs en convenaient, quelques-uns s’en faisaient gloire ; beaucoup regardaient leur état comme une fatalité ; d’autres comme une position, même un privilége.

La réponse que vous fera l’individu valide qui demande l’aumône, est celle-ci : je n’ai point de travail. En cela il y a vingt à parier contre un qu’il vous trompe :