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fait observer, il faut si peu de chose pour résister à la famine, pour n’en point être tué, pour vivre avec elle, il faudrait peut être moins encore pour la prévenir. Ce point gagné, il n’y a qu’un pas pour arriver à l’aisance. Mais pour faire ce pas, il est nécessaire que chacun le veuille ; il faut que tout le monde, se levant contre l’ennemi commun, fasse un effort de sa bourse et de sa raison ; il faut enfin adopter un régime et le suivre avec constance et énergie.

Quel est ce régime ?

Il se compose de plus d’un soin ; nous en avons déjà indiqué quelques-uns. Le premier, le plus efficace, celui qui, en neutralisant le mal dans sa source, doit conduire à la guérison, celui qui est le véritable antidote de la misère est le travail d’où résulte la propriété, comme de la propriété naissent l’ordre et la prévoyance. Pour arriver à cet ordre, ce n’est pas assez, dans un pays bien administré, d’exiger que chacun justifie de ses moyens présens d’existence, c’est-à-dire de son état et de son salaire, il faut encore qu’il justifie de son avenir, il faut qu’il soit tenu de conserver, il faut qu’il possède. Enfin quelque étrange ou hasardée que puisse paraître cette proposition, si vous voulez repousser la misère du sol, exigez que pour y obtenir son domicile légal, pour y être considéré comme habitant et non comme passant ou étranger, tout homme soit propriétaire, c’est-à-dire qu’il prouve que lui ou sa famille possède quelque chose ; et pour cela, s’il n’a rien, donnez-lui quelque chose.

Nous avons dit qu’une des principales causes de la pauvreté et la plus active peut-être, c’est l’aumône. Ici le remède est facile : c’est de n’en plus faire. Mais comment donner sans faire l’aumône ? C’est de donner une chose qui vaille mieux qu’une aumône, quelque chose qui reste uni à l’individu ; quelque chose que la loi rende inaliénable, qu’il ne puisse, s’il est possible, ni perdre ni vendre ; quelque chose enfin qui le rende co-partageant