Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/118

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trop à se plaindre, car je connais plus d’un pays qui, sans montagnes, en sont privés pendant dix mois sur douze, par suite des brouillards, de la pluie et des usines à vapeur.

Devant nous est Arcona qui, avec Locarno et Magadino, couronne le fond du lac. Là, le soleil vient me retrouver ; il a pu passer entre les deux montagnes. L’eau, en cet endroit, est bien moins agitée. Un beau soleil couchant éclaire au loin la surface du lac où j’aperçois deux steamers et deux bâtiments à voiles se détachant, eux aussi, sur cette nappe dorée. Les spectacles humains, les illuminations fastueuses où notre orgueil jette des millions, ne sont que des jeux d’enfants comparativement à ce simple effet de la nature.

Revenus à Magadino, nous entrons dans son port. De là encore, on a une des plus belles vues du lac.

Il est cinq heures trois quarts, tous les passagers ont successivement quitté le bord, je n’ai qu’à en faire autant. C’est ici que le bâtiment s’arrête, sa tâche est finie. Je loue une calèche pour gagner Bellinzona. Je n’y suis pas plutôt installé qu’on vient me prier de prendre une personne qui n’a pu trouver de voiture. J’allais refuser net, quand une petite dame toute leste et toute proprette, sans me demander la permission, vient s’installer à côté de moi. Le moyen de la pousser dehors ! Je fis contre fortune bon cœur, et je gardai la petite dame qui ne parlait ni français, ni anglais, ni italien, de sorte que notre conversation ne pouvait être fort animée. La nuit approchant, je vis qu’elle s’arrangeait pour dormir, et je m’apprêtais à en faire autant lorsqu’un homme qui nous attendait sur la route, criant