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militaire : le premier pour une femme, le second pour un sac d’avoine, le troisième pour une lanterne, le quatrième pour une musette (petit sac dont se servent les cavaliers). Il avait eu le malheur de tuer deux de ses adversaires. L’un était, comme lui, maréchal-des-logis. Il servait alors dans les hussards : les hussards ont la tête près du bonnet. La dispute dont la musette était le sujet eut lieu au moment que le régiment montait à cheval ; ils se détournèrent de la route et se battirent dans un champ. Ils avaient, comme d’ordinaire, ôté leurs habits. Son adversaire, blessé à mort, tomba sur l’un des habits : — « C’était le mien, continua le major, et il le remplit de sang. Je le lavai dans une fontaine et fus obligé de le revêtir tout mouillé. Quand j’arrivai à l’étape, tout le monde y était déjà, excepté le mort, comme on le pense bien. Mon capitaine, à qui je contai la chose, me dit : Vous avez fait là un beau coup ! et il m’envoya pour quatre jours à la salle de police : c’est la seule punition que j’aie reçue dans ma vie. »

Je ne vous raconterai pas les autres duels du major ; je me souviens seulement que le dernier, qui finit moins tragiquement que le précédent, car l’adversaire n’eut qu’une estafilade au bras, avait pour motif un mulet pris à l’ennemi et qu’il avait fait adjuger à une cantinière dont un boulet avait tué l’âne et brisé la carriole. Il était alors officier. Un de ses camarades revendiqua la bête ; on en vint aux mots, puis au sabre. On s’en rapporta ici, comme dans nos anciens tournois, au jugement de Dieu : le blessé eut tort, la cantinière garda le mulet.

Nous voici arrivés au camp : c’est un magnifique