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Ce pont est sur la Reuss que nous avons vue s’échappant de sa source et descendre en cascades sur les flancs du Saint-Gothard. Du pont, on voit bien le Rigi et ses deux pointes, dont l’une s’appelle Rigi-staaf, et l’autre Rigi-kulm. L’hôtel où je loge semble être au milieu.

Plusieurs ponts couverts offrent de curieuses peintures.

Ce qui frappe d’abord en arrivant à l’arsenal est un mannequin remuant la tête, représentant un paysan lucernois. Ce goût des mannequins a longtemps, dans le nord, remplacé celui des statues, et il n’est pas encore perdu en Angleterre : l’Anglais, comme le Suisse et l’Allemand, a ses poupées nationales.

Parmi beaucoup d’autres reliques, je remarque les drapeaux pris par les Lucernois, car qui n’en prend pas, et à qui n’en a-t-on pas pris ? L’honneur et la gloire sont ici au bout d’un bâton auquel pend un chiffon. On me montre celui qui fut pris, dit-on, à la bataille de Morat en 1476, et la bannière de l’Autriche prise à la bataille de Sempach en 1586. Cette dernière me paraît plus authentique. Quant aux colliers à pointes de fer apportés par ces Autrichiens pour enchaîner les Suisses qu’ils n’ont pas vaincus, on ne peut nier l’existence de ces colliers, mais leur destination est moins certaine. L’arbalète en corne, avec laquelle a tiré Guillaume Tell, serait un morceau bien précieux s’il était moins problématique ; mais quel est le cabinet d’antiquités où l’on n’ait pas, de temps en temps, besoin des yeux de la foi ? Je croirais plutôt à l’épée qu’on dit aussi être celle du Brutus helvétien.

Les vitraux où sont dessinées, en verre de couleur,