Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/142

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paration de l’Église, sans éclairer les peuples, sans les rendre plus moraux ni plus tolérants, n’a en rien contribué à leur bien-être, et n’a pas fait faire un pas de plus à la liberté. Ce serait plutôt le contraire : ce sont les ministres du culte protestant qui se sont montrés les plus ardents à maintenir le droit divin de l’esclavage. On ne saurait rendre Luther responsable des guerres de religion qu’a amenées son hérésie, mais elles n’auraient certainement pas eu lieu si l’Église était demeurée une.

À sept heures du soir, je m’embarque sur un vapeur allant à Rapperschwyl pour y faire une visite à la duchesse de Parme que j’avais connue enfant, et que depuis, en 1853, j’avais revue à Venise chez sa mère.

Le temps n’étant pas clair, la nuit ne tarde pas à venir. Je descends au salon où je trouve nombreuse compagnie. Ce qui me frappe d’abord est un personnage, véritable géant près duquel ceux qui se montrent aux foires auraient pâli. Sa mise et ses manières annoncent d’ailleurs que s’il était géant de taille, il ne l’était pas d’état.

Parmi les dames, il y en avait de fort jolies, presque toutes en toilette. Il était évident qu’elles revenaient de faire des visites ou qu’elles y allaient. À chaque station, on en débarquait quelques-unes. Je finis par rester seul dans le bateau. Je me crois oublié. Une servante confirme cette idée en me demandant ce que je fais là, et si je vais coucher à bord. Effaré, je monte sur le pont et je cours au capitaine qui d’abord semble ne pas comprendre ce que je lui veux ; enfin, il me dit que nous avons encore deux stations pour arriver à Rapperschwyl, et m’assure que j’y trouverai la duchesse.