Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/159

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sont verts, bien plantés, mais peu accidentés. Bientôt la côte se rehausse et s’embellit.

Voici Arenemberg, habitation qu’avait longtemps occupée la reine Hortense. Nous passons au pied. La maison, placée sur un coteau au milieu des arbres, domine le lac, et paraît petite et isolée. Non loin de là, en est une plus grande, Salerstein ; et tout au haut d’une colline, Lauthemberg, bâtie par le général Grant et louée ou achetée par un Anglais.

Nous traversons le Rhin pour rentrer bientôt dans le lac. À deux heures, la vue s’embellit ; les bords se relèvent ; colline bien boisée ; peu d’habitations.

Nous avons sur le pont une très-belle chèvre blanche, en compagnie de deux vaches et de leurs veaux, plus une douzaine de bœufs placés à l’arrière, le tout faisant partie du bagage de quelques juifs fort occupés en ce moment à jouer aux cartes. Un matelot farceur cache la chèvre, puis vient dire aux joueurs qu’elle a disparu en sautant à l’eau. L’un d’eux, petit homme à figure d’épervier, qui en était propriétaire, s’élance aussitôt sur le pont, et voyant au loin un objet blanc qui surnage, il croit que c’est sa bête, et veut se jeter à l’eau pour la poursuivre à la nage. On l’en empêche. Alors il s’adresse au capitaine et lui demande un canot. Le capitaine lève les épaules et l’envoie promener. Ainsi rebuté, notre homme s’abandonne au désespoir ; il bat du pied, se frappe la poitrine et s’arrache les cheveux. Il eût perdu sa femme ou sa fille, qu’il ne se fût pas plus désolé.

Je croyais comme tout le monde, sauf l’auteur de la farce, que la chèvre avait en effet disparu, et nous par-