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trente à quarante mille. Le peintre est mort. Sa veuve, devenue propriétaire, est Française et n’a qu’une fille. La dame, à sa perception, a ajouté un magasin de gravures représentant les vues et curiosités du pays, et des ouvrages qui les décrivent.

De la chambre où je suis logé, la vue est presqu’aussi belle que du salon ; mais je me demande si, dans cette chambre, on peut dormir, car, à ses beautés, la chûte joint un vacarme épouvantable ?

Le jardin de l’hôtel, qui s’étend jusqu’au bord du Rhin, n’est pas à cent pas de la cascade ; cependant je veux profiter de ce qui reste de jour pour la voir de plus près encore, et malgré une pluie battante, je descends la côte pour gagner la rive. De là, un bateau me conduit dans le remous du tourbillon où nous nous laissons balancer, recevant à la fois la pluie et les éclaboussures de la chûte.

Guidé par un domestique, j’escalade la rampe qui conduit à la maison Brulrr. Une entrée assez mesquine mène à une petite porte sur laquelle est inscrit le nom de la propriétaire. J’y suis reçu par un homme aux cheveux et aux yeux noirs, de taille moyenne, d’environ trente ans, bien mis et bien fait, mais à la mine des plus rébarbatives, ce qui ne l’empêche pas d’être fort poli : c’est, me dit mon conducteur, l’associé et, croit-on, le gendre futur de la maîtresse du logis.

Arrivé sur la terrasse, je m’y trouve en compagnie d’un cavalier, voyageur comme moi, et d’une femme fort élégante qui paraît être la sienne. De là, l’œil plonge sur la chûte, mais trop rapproché, on en perd les alentours. De ce point, elle me semble moins belle