Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/201

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auraient dû être tournés vers celui qu’il admonestait, l’étaient d’un autre côté, et que personne dans l’auditoire n’avait l’air de faire attention à moi. Alors je compris que j’étais un sot, et que ma peur, comme mes tours et détours pour m’échapper, avait été en pure perte, vu que rien ne la motivait ; que si l’on avait fermé les portes, c’est que tel est l’usage ici lorsque le prêtre monte en chaire ; qu’en définitive, ma présence n’avait blessé personne, et que les bons habitants de Bâle pouvaient bien n’être pas si intolérants et ennemis des étrangers que je l’avais si gratuitement supposé. J’en eus bientôt la preuve, car l’un d’eux, s’étant aperçu, à quelques bâillements mal dissimulés, que je prenais à l’éloquence du prédicateur un intérêt très-secondaire, vint gracieusement me proposer en anglais, car il me prenait pour tel, de visiter la salle du concile communiquant avec l’église, concile qui se tint en 1431.

Cette salle devenue célèbre ne fut certainement pas le temple de la Concorde, car on ne décida rien et l’on s’y disputa beaucoup : on y déposa un pape, Eugène IV, et on en nomma un autre, Félix V ; enfin on ne se sépara que pour aller s’excommunier, s’injurier, puis se battre.

C’était à peu près ainsi que les choses, comme nous l’avons vu, s’étaient passées à Constance. Ce siècle était celui de l’Église militante : on y raisonnait à coups de bûches, avec lesquelles on faisait ensuite un bon feu pour rôtir les vaincus, ce qui avait lieu en grande pompe et à la satisfaction générale : c’était le bouquet de la fête.

La chrétienté ne s’est débarrassée qu’à la longue des