Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/202

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habitudes de la Rome antique : elle a eu aussi ses gladiateurs et ses jeux du cirque. Ce n’est pourtant pas cela que lui avaient enseigné Notre Seigneur et ses apôtres. Il faut avouer que nous avons été et que nous sommes encore de singuliers chrétiens, et qu’il est difficile de dire à quelle hauteur de moralité, de bien-être et de bon sens ne serait pas aujourd’hui parvenue l’humanité, si elle s’en était tenue à la morale du Christ.

Le sermon fini, chacun était retourné chez soi, et, guidé par mon nouvel ami, honnête bourgeois de Bâle, je pus à mon aise examiner les lieux. J’y vis quelques bonnes sculptures en bois, notamment cette chaire d’où je croyais voir sortir l’anathème de ce digne prédicateur qui ne songeait pas à moi. J’admirai l’orgue que je regrette de n’avoir pas entendu, mais que mon conducteur me dit avoir coûté huit cent mille francs.

Parmi les monuments funéraires, le plus illustre, sans être le plus beau, est la tombe, datant de 1281, de la femme de Rodolphe de Hapsbourg, l’impératrice Anne, mère de la branche des princes autrichiens régnant encore. Est-ce pour le bonheur ou le malheur de l’humanité que cette famille est née ? Si le sang répandu retombait sur la tête de ceux pour lesquels on le verse, il est certain que les Hapsbourg y seraient noyés. Que de guerres entreprises en leur nom et pour le soutien de leur trône ! Que de cachots ouverts et remplis ! Que de supplices ordonnés et exécutés ! Que d’assassinats juridiques et de massacres sans jugement !! Tout ceci se faisait-il pour le bien des peuples, ou pour le leur ? Était-ce dans l’intérêt de la morale, de la religion, de la liberté et du progrès qu’ils frappaient, ou