Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/22

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y mêlant des observations approbatrices ou critiques, mais toujours empreintes d’un bon sens parfait. Nous devions nous rendre ensemble, le jour suivant, au boulevard du Temple où l’on nous avait offert une croisée pour voir défiler l’armée, mais j’avais reçu une invitation à laquelle je ne pouvais manquer ; je fus obligé de renoncer à la première et à la société de mon compagnon que je regrettai, car il m’annonça son prochain départ.

Le lendemain, 14 août, je me prépare, en déjeûnant solidement, aux courses de la journée. Les jours de grandes fêtes, à Paris, ne sont pas des jours de galas, et quiconque n’y a pas son chez soi et n’a pas fait ses provisions la veille, n’est jamais sûr de dîner : Paris est au pillage ; pillage où règne, d’ailleurs, l’accord le plus parfait entre le pillé et le pillard : le restaurateur, qui a supprimé sa carte, laisse les clients se disputer les tables et les places, se réservant de faire largement payer le vainqueur qui, fier de sa conquête, ne marchande jamais, fût-ce le plus misérable des dîners, fruit ordinaire du combat. Ces jours de solennités sont donc, à proprement parler, des jours de jeûne, vu qu’une portion ordinaire en devient quatre : c’est le renouvellement du miracle de la multiplication des pains ; la seule différence, c’est qu’ici personne n’est rassasié.

Mon déjeûner terminé, je me rends chez M. Boursy, conseiller d’État, ancien directeur-général des contributions indirectes, dont la fille toute charmante a épousé un de mes cousins. Je reçois dans cette excellente famille le plus aimable accueil. La maison a vue sur le boulevard Poissonnière, et placé au second étage, je suis parfaitement pour voir cette fête militaire qui va