Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/236

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si le latin m’affriandait : je l’avais pris en une véritable horreur et, comme nos pères gaulois, j’aurais volontiers été saccager Rome et son sénat à qui j’en reprochais l’invention.

Lorsqu’à seize ans j’arrivai en Italie, je le savais donc fort mal ou comme le sait un aspirant qui a manqué sa quatrième. Quant au français, entouré de gens plus sabreurs que lettrés, car nous étions en 1805, et le sabre était l’éloquence de l’époque, je n’étais guère en position de m’y perfectionner beaucoup. Mon père m’avait bien recommandé de prendre un maître, mais comme il ne m’avait pas dit lequel, c’était un maître d’escrime que j’avais choisi, et c’était à la salle d’armes et au manége que j’allai prendre mes degrés. Cependant l’un de mes compagnons, M. Di-Pietro, neveu du cardinal de ce nom, un peu plus âgé que moi et qui valait beaucoup mieux, m’avait inspiré le goût de la poésie. Élevé en France, il écrivait le français aussi facilement que l’italien, et, le premier, il me fit savoir que le rudiment n’était pas le seul livre élémentaire, qu’il y avait une grammaire française et même une grammaire italienne ; et c’est à lui, ainsi qu’à un autre de mes amis, M. de Bellegarde, que je dois le goût de l’étude et les premiers principes du style.

Mais dans cette carrière, après avoir marché trop doucement et même n’avoir pas marché du tout, je voulus aller trop vite, et mon bagage intellectuel n’était pas encore bien pesant que, convaincu qu’il me suffisait pour la poésie, je me mis, sans plus de façon, à rimer dans les deux langues, encouragé d’ailleurs dans mon audace par celle de mon oratorien qui me