Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/42

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Marie de Solms y fait son entrée au bras d’un homme aux cheveux noirs, à l’air distingué, et que j’aurais pris pour un Espagnol : c’est l’ambassadeur des États-Unis près le roi d’Italie. La princesse est suivie, comme toujours, de deux jeunes filles qui lui servent à la fois de secrétaires et de dames de compagnie. En outre, elle a sa cour, en tête de laquelle marche le marquis de Pommereux, puis Ponsard le poète, un autre personnage à cheveux crépus, à figure de renard, au regard fin, à la mise négligée, dont on n’a pu me dire le nom, etc.

M. de Cavour vient au bal, ce n’est certainement pas pour danser. Il est toujours entouré d’un groupe de personnages qui se le disputent et tâchent de lui arracher quelques paroles. Pour n’avoir pas l’air d’un flâneur politique, je n’essaie pas de l’approcher, mais il m’aperçoit, vient à moi, et nous échangeons quelques mots de politesse. Il me parle du comte de Sellon qui fut mon ami, et mort trop tôt, car c’était un véritable homme de bien. Fondateur et président de la Société de la Paix, que n’a-t-il pas fait pour démontrer l’absurdité de la guerre ? C’est d’elle que naissent toutes les tyrannies et toutes les misères. Tant que le droit de la faire ou de l’empêcher n’appartiendra pas à la nation, tant que le servage ou l’enrôlement forcé existera, tant que la meilleure partie des impôts dont on écrase les peuples sera employée, non à leur bien-être réciproque, mais absolument au contraire, c’est-à-dire à dresser les hommes à s’entre-tuer pour des points d’honneur imaginaires ou des intérêts qui ne sont pas les leurs, il ne peut y avoir en Europe ni liberté, ni moralité, ni bien-être. Dans tous les États il faut une force publique, j’en