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arrive dans toutes les expositions. Il en était un qui n’était pas un chef-d’œuvre, pourtant que j’aurais acheté volontiers s’il eût été à vendre. Le sujet en était bien simple, il consistait en deux têtes d’ânes. L’inscription portait : padre e figlio, le père et le fils ; mais il y avait dans les yeux du père une expression d’amour paternel, et dans ceux de l’ânon quelque chose à la fois de bonasse et de malicieux qui charmaient.

Je vais ensuite, à la bibliothèque ambrosienne, voir l’abbé Gatti, auquel je contai ma mésaventure et l’ennui que m’avaient causé mon chapeau et ma canne. Il me dit que j’aurais évité toutes ces avanies si je m’étais présenté avec une croix ou même un simple ruban. Je m’aperçus alors que j’avais perdu en route celui qui était à ma boutonnière. Je n’aurais jamais cru que l’absence d’un petit bout de soie rouge pût, à ce point, défigurer un homme, et je me promis bien, quand je me promènerais sans ruban, de me promener aussi sans chapeau.

Il me dit que la bibliothèque était, comme celle de Brera, fréquentée par nos soldats, et qu’il n’avait également qu’à s’en louer. Cette bibliothèque ambrosienne est un don de la famille Borromée, l’une des plus illustres et des plus populaires de la Lombardie. On ne pouvait mieux confier la direction de cette belle et riche collection qu’au digne abbé Gatti, aussi savant qu’aimable, et parlant le français comme sa propre langue.

Ces allées et venues commençant à me fatiguer, je prends une voiture qui me mène au château et à la place de ce nom, où est un camp français d’artillerie. Les zouaves sont logés dans le château même. J’y vois encore