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les décorations monumentales provisoirement élevées pour la fête du 15 août.

Après quelques autres courses, je reviens dîner à l’hôtel. La table est fort bien servie ; la société est nombreuse. Ce que je remarque d’abord est un monsieur accompagné d’un petit chien dont il s’occupe exclusivement et auquel il donne les meilleurs morceaux qu’on lui sert. Plus loin est une dame ou demoiselle italienne, fort jolie, qui a pour voisin un officier français qui ne sait pas un mot d’italien. Elle n’est pas plus forte en français. La conversation n’en est pas moins animée : les yeux et les gestes suppléent ici à la parole. Vient ensuite une sorte de marquis comme il y en a beaucoup ici ; il est habitué du lieu probablement, car les domestiques l’appellent excellence. À côté de lui, un Français aux cheveux crépus, et un autre très-maigre, à figure méridionale, parlent haut et fort.

À côté de moi est un Parisien de l’espèce qu’on peut nommer pur-sang, un véritable badaud, naïf et confiant. Avant dix minutes, je connaissais toutes ses affaires. D’un âge mûr et touriste comme moi, il venait aussi de passer le Mont-Cenis. Il logeait à l’hôtel Royal où il voulait absolument me mener pour y voir, disait-il, une galerie de tableaux qui contenait des chefs-d’œuvre. J’aurais volontiers accompagné ce digne homme qui, sous sa naïveté, ne manquait pas de savoir et d’une sorte d’esprit très-original, mais j’avais d’autres projets : je tenais à revoir le théâtre de la Scala.

Je veux y aller à pied, et je trouve moyen de m’égarer ; enfin je n’y arrive qu’après avoir perdu six fois mon chemin. Je demande une stalle pour laquelle on