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UNE DE PERDUE

— Vas te faire s… et laisse-moi dormir, répondit François, d’un ton si péremptoire que Léon vit bien qu’il ne réussirait pas à le faire lever.

Alors il alluma cinq à six chandelles, qu’il plaça sur la table, le bureau et sur le devant de la cheminée ; il alla ensuite à l’armoire, se servit une énorme rasade de rum qu’il avala, puis il s’enveloppa dans une couverte et se jeta sur le lit à côté de François.

Des cris sourds se firent entendre dans le cachot et semblèrent à Léon comme les clameurs des revenants, qui sortaient des entrailles de la terre et venaient jusqu’à ses oreilles à travers le plancher. Il essaya encore une fois de faire lever son frère, mais il ne put réussir ; alors il se couvrit par dessus la tête et ne dit plus un mot, osant à peine respirer et se pressant contre François qui ronflait comme un bienheureux. Ainsi cet homme si hardi dans le crime, tremblait devant une chimère, une superstition, un fantôme de revenant que créait son imagination exaltée et fiévreuse.

Pierre de St. Luc s’était réveillé en sursaut, au bruit que fit la dame-jeanne en se brisant sur le plancher. Il entendit la trappe se fermer, et crut distinguer, à la lueur de l’éclair qui avait illuminé le cachot, un reptile qui s’agitait au milieu des débris et des morceaux de verre brisés. À la lumière de l’éclair avaient succédé les plus profondes ténèbres. Il crut que cette apparition n’était que l’effet de l’hallucination de son cerveau malade et affaibli par la faim et la perte de son sang. Il passa sa main sur ses yeux, et s’efforça de recueillir ses esprits afin de mieux examiner sa situation. Mais les sifflements aigus du reptile et le bruit de ses sonnettes qu’il agi-