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UNE DE PERDUE

Il demeura quelque temps absorbé dans sa douleur, puis il se leva, fit trois à quatre tours dans le salon, la tête penchée ; puis il revint auprès de la table, regarda quelques instants le journal, qui lui avait appris la mort de son bienfaiteur, sans y toucher. Ses yeux semblaient se couvrir d’un voile, il regardait et tout ce qui se trouvait sur la table lui apparaissait comme une masse confuse. Il eût voulu pleurer, mais il ne le pouvait pas. Il se frotta les yeux, prit le journal dans ses mains, et pour une quatrième fois lut le compte rendu qu’il contenait. Il n’y avait pas à s’y méprendre : M. Meunier était bien mort ! À l’idée des vertus de son bienfaiteur, de sa générosité si bienfaisante pour les malheureux, de sa piété si sincère durant sa vie, vinrent se joindre la pensée et l’image des récompenses qui lui avaient été réservées dans l’autre monde ; insensiblement il fléchit les genoux et se prosternant devant son Dieu, il offrit une prière fervente du fond de son cœur. Cet homme qui, depuis des années, n’avait pas fait une prière, n’avait pas demandé un secours au ciel, n’avait pas offert un remercîment pour les grâces et les faveurs qu’il avait reçues, courbait en ce moment son front devant le Souverain juge du monde, devant lequel tôt ou tard doivent venir s’humilier les plus orgueilleuses têtes et les cœurs les plus endurcis. La prière du capitaine Pierre fut agréable à Dieu, parce qu’elle était sincère, parce qu’elle partait de l’âme ; et il en fut récompensé. D’abondantes larmes coulèrent silencieusement de ses yeux, et soulagèrent sa poitrine ; il se sentit plus fort, car il avait demandé de la force au Dieu tout-puissant ; il se sentit plus calme, car il avait demandé du calme au Dieu de toutes consolations.