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UNE DE PERDUE

des conseils d’une mère qu’elle avait perdue dans son bas âge ; n’ayant pour la guider que la volonté d’un père, qui l’aimait et voulait son bien sans doute, mais qui ne savait point parler au cœur de sa fille ; elle accepta ma proposition autant peut-être pour échapper au mariage que lui destinait son père, que par amour pour moi.

« Nous étions mariés. Au bout de trois jours il fallut nous séparer ; son père devait arriver dans le cours de la journée.

« Il avait été convenu, entre Éléonore et moi, qu’elle m’écrirait à St. Ours ; et au cas où son père serait inflexible, que j’irais dans les États-Unis gagner quelqu’argent.

« Le père d’Éléonore fut inflexible, il lui défendit de parler de moi. Elle n’avait pas osé lui déclarer notre mariage. — Ainsi, je me décidai à quitter le pays.

« Trois ans après, au retour d’un long et pénible voyage que je fis à bord d’un vaisseau baleinier, dans la mer pacifique, je revins à Boston, le cœur plein de joie et d’espérances. Par mon économie, mon travail, ma persévérance, j’avais réussi à amasser une somme de cinq cents piastres. Oh ! comme je saluai, avec des palpitations d’ivresse et de bonheur, le pavillon anglais qui flottait à l’artimon d’un trois mâts, qui sortait du port de Boston. Je croyais voir un navire venant de Montréal, comme on en voit quelquefois passer à Sorel… Sorel ! mon pays, mon Canada, ma terre promise !

« Je ne restai à Boston que le temps nécessaire pour régler mes comptes avec les armateurs ; et dès le lendemain matin j’étais en route pour le Canada.