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Page:Boucherville - Une de perdue, deux de trouvées, Tome 2, 1874.djvu/348

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DEUX DE TROUVÉES.

jui faire, pendant qu’elle est encore de ce monde. Mais à sept heures, elle mourra pour le monde et ne vivra plus que pour Dieu !

Ne lui reprochons pas cette journée de liberté ; elle n’a pas bien longtemps à en jouir. Elle, pauvre étrangère, nul parent n’est venu lui faire visite ; pas un ami n’est venu lui dire adieu, ou lui souhaiter un bon voyage dans le long pèlerinage qu’elle entreprend si jeune, pour se rendre au calvaire, où mourut par amour pour l’humanité notre Sauveur Jésus-Christ.

Quand elle eut effeuillé sa rose, elle demeura quelques instants pensive ; puis elle tira de la poche de sa robe un petit cahier recouvert en maroquin rouge. C’était son journal. Elle le regarda d’un air plein de mélancolie, laissa échapper un soupir, puis, l’ouvrant, elle en détacha un feuillet, le déchira sans le lire et en jeta les morceaux dans l’onde fugitive. Elle en déchira ainsi plusieurs feuillets, puis elle suivit des yeux ces petits morceaux de papiers qui, doucement entraînés, semblaient, sous l’impulsion du courant qui les agitait, saluer la jeune fille et lui dire un dernier, un éternel adieu. Elle laissa échapper encore un soupir ; sa main cessa d’arracher les feuillets ; elle resta immobile, la vue fixée sur son petit cahier ; les larmes, qui voilaient ses paupières, l’empêchaient de voir, mais pourtant elle lisait ; était-ce de souvenir, était-ce avec les yeux de l’âme ?

Peut-être est-ce une indiscrétion que de jeter un regard sur ces pensées intimes, sur ces secrets du cœur de la sainte enfant qui, en ce moment, les ignorait peut-être elle-même, ou du moins cherchait à les oublier en en détruisant ces feuillets, muets dépositaires.