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Robert Lozé

montant considérable — mais je ne voudrais pas me porter demandeur dans l’instance et encourir ainsi des responsabilités incertaines en frais, au cas d’insuccès. Il faudra qu’un autre vous prête son nom.

Après avoir réfléchi, Robert reprit :

— Je n’aime pas cette manière de faire qui, entre autres inconvénients, semblerait indiquer de notre côté une certaine incertitude quant au résultat, faiblesse que nos adversaires ne manqueraient pas de faire valoir contre nous. Nous devons agir ici au grand jour. Ni vous ni moi ne devons nous cacher derrière un prête-nom. Vous aurez, du reste, à rendre témoignage, et au cours de votre interrogatoire, vous devrez déclarer quelle part vous prenez à cette œuvre. Quant à moi, ma profession me fait un devoir d’aider à de telles revendications, et même de les provoquer. J’entends, du reste, ne m’engager qu’à bon escient, autant que possible à coup sûr, car l’insuccès nuirait à la cause plus que l’inaction. Dans ces conditions, je pourrai m’associer un jeune confrère et poursuivre les instances en mon propre nom. Si, par malheur, je venais à échouer, la somme que vous m’aurez confiée paiera les frais.

M. Millais lui serra la main avec émotion et voulut lui verser le montant stipulé immédiatement.

— Un instant encore, fit l’avocat. Si j’accepte ce montant, je veux rester libre quant au mode de son emploi. Il me faudra peut-être en distraire une partie pour mes besoins personnels pendant l’instance, car je devrai d’abord faire une enquête qui sera probablement longue, certainement difficile et compliquée. Je devrai prendre le temps qu’il me faudra pour préparer chaque cause. N’oubliez pas non plus que si on nous déboute ici, il nous faudra en appeler de tribunal en tribunal, peut-être jusqu’au Conseil Privé d’Angleterre. Si nous réussissons devant nos tribunaux, nos adversaires en feront autant, n’en doutez pas. Le réformateur marche à la ruine certaine, s’il n’est pas armé de toutes pièces.