Page:Bouchette - Robert Lozé, 1903.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
robert lozé11

Louise eut tout de suite pour ce roi probable de la bourse et pour son aviseur, un grand respect, et ce ne fut pas sans émotion qu’elle frappa à la porte.

Dans la première pièce, une jeune fille écrivait bruyamment au clavigraphe, et un tout petit saute-ruisseau, sur les instructions de Louise, descendit du tabouret où il était perché et alla dire à son maître, dans la chambre du fond, qu’une dame désirait le voir.

Elle fut aussitôt admise dans l’étude de l’avocat. Celui-ci se leva à son entrée et lui indiqua un siège. Son pupitre était au centre de la chambre et faisait face à la porte. De chaque côté du pupitre se trouvait un fauteuil. Sur celui de droite, s’étalait une robe d’avocat, et un rabat blanc que M. Lozé devait, selon toute apparence, endosser tout à l’heure. Dans l’autre fauteuil était assise une dame élégante, une cliente sans doute, qui avait relevé sa voilette et lisait un papier.

L’avocat pouvait avoir de vingt-huit à trente ans. Assez grand, la figure rasée, les cheveux trop longs et tombant jusqu’au col de sa redingote noire. Malgré sa politesse étudiée et l’apparat du métier dont il s’entourait, on trouvait quelque chose en lui, on n’aurait pas su bien dire quoi, qui n’inspirait pas une entière confiance. Il est une chose admirable chez certains hommes, c’est la réflexion sur le visage et sur toute la personne de la virilité de l’âme, une tranquille fierté née du sentiment de la dignité et de l’indépendance. C’est la généralisation de cette qualité qui a valu aux anciens Canadiens le titre de « peuple gentilhomme. » L’auteur de ce récit, alors qu’étudiant chez monsieur le juge Bossé, à cette époque avocat au barreau de Québec, et continuateur des meilleures traditions de son ordre, a vu quelquefois entrer dans son bureau des cultivateurs de la côte de Beaupré qui étaient bien véritablement l’incarnation de cette idée d’un peuple gentilhomme. Vêtus