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ROBERT LOZÉ

constructeurs de vaisseaux au long cours. Et le jour où, au Cap-Breton, on commencera la construction de vaisseaux en fer, ils accourront en grand nombre pour se livrer dans des conditions nouvelles à leur ancienne industrie. Ils admiraient donc le beau yacht aux lignes gracieuses, à la puissante voilure. Les passagers des transatlantiques l’admiraient aussi et témoignaient leur plaisir en agitant leurs mouchoirs.

Ces incidents laissaient les Tremblay impassibles. Tout ce qui flottait sur les eaux du golfe leur était familier. À la rencontre d’un vaisseau, ils se contentaient de dire, suivant le cas : c’est la goélette à McLaren, c’est le Parisien. Quand c’étaient des pays, et cela arrivait assez souvent, ils s’informaient des amis.

Un jour cependant, les deux marins semblèrent secouer leur indifférence. Ils avaient braqué la longue-vue sur une voile dont ils semblaient suivre les mouvements avec un vif intérêt. Cette voile longeait de près la rive sud, et disparaissait souvent derrière des îles. De temps à autre aussi, les regards des Tremblay se portaient avec inquiétude vers un point de l’horizon une fumée noire commençait à paraître. C’était un steamer qui s’avançait dans la même direction que le yacht, et qui gagnait rapidement sur lui, bien que celui-ci filât ses huit nœuds à l’heure. Bientôt le steamer fut à la hauteur du yacht et le dépassa. C’était un vaisseau élégant, aux allures militaires, propre et coquet, éperonné à l’avant. Ses dimensions n’étaient pas considérables. Ses sabords entr’ouverts montraient la gueule de canons de cuivre, son équipage portait un uniforme rappelant celui de la marine militaire anglaise. Il arborait à la corne d’artimon le pavillon anglais sur champ bleu aux armes du Canada, qui est l’enseigne navale du gouvernement canadien.

— C’est un garde-côte, n’est-ce pas ? demanda Jean aux matelots.

— C’est un garde-côte.