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ROBERT LOZÉ

fleuve, tachetée de points noirs ou lumineux qui sont des navires. Le regard embrasse les hauteurs de Lévis ; au loin dans la campagne, sur toutes les collines, des feux de joie éclairent la nuit.

— J’ai un peu voyagé, disait Lionel, mais je n’ai jamais rien vu de comparable à ce paysage, ni de plus intéressant que le bal de ce soir.

— Le bal du vice-roi est historique, répondait Lucienne. C’était déjà, paraît-il, une institution sous le régime français. Quant au paysage, c’est celui de notre vieux Québec, et je l’aime de tout mon cœur.

— Je serai donc heureux de pouvoir désormais en faire partie.

— Il faudra d’abord acquérir la couleur locale. N’est pas canadien qui veut.

Les yeux de Lionel disaient clairement que si toutes les canadiennes ressemblaient à sa compagne, il n’y aurait pas grand mérite à devenir canadien.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ainsi s’était formée entre ces deux jeunes gens une amitié qui devait durer aussi longtemps que leur vie, et qui de la part de Lionel, au moins, dès le début fut de l’amour. Ils cédèrent au penchant qui les rapprochait. Leur idylle fut le lac des bois, où les eaux profondes surgissant de sources cachées, se mêlent et se confondent sous une surface calme et à l’abri des orages. Et le père de Lucienne, homme sage, bénit cette union qui faisait le bonheur de sa fille unique dont il pouvait lui-même assurer l’avenir, en autant que cet avenir pouvait dépendre de la fortune matérielle.

Voilà à peu près ce qu’Irène et Alice avaient appris sur le compte de leur nouvelle amie pendant le trajet des Piliers à Québec. On se sépara à l’arrivée pour se revoir le lendemain à la résidence de M. de la Chenaye, à quelques milles des barrières.