Page:Bouchette - Robert Lozé, 1903.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
44
Robert Lozé

richesses de sa taille et fait ressortir les tons éclatants et les lignes harmonieuses de la gorge et des épaules. Le bras resté libre, sur lequel se plisse un gant de soie, s’élève jusqu’à la hauteur de la tête pour enlever le voile qui a protégé ses cheveux et sous lequel son beau visage rayonne encore du reflet de son dernier sourire. Oh ! ces moments d’abandon et de grâce inconsciente, où dans la beauté humaine s’incarne on ne sait quel reflet de l’infini ! Moments fugitifs et inoubliables, charme profond que nous subissons sans pouvoir le définir, mais qui se retrouve parfois sous le ciseau du statuaire, sur la lèvre de quelque poète, inspiration sublime qui les conduit à l’immortalité !

Robert ne pouvait détacher d’elle ses yeux.

Sous le regard ardent du jeune homme, dont elle eut conscience avant que de le voir, elle leva la tête. Robert maintenant, était debout devant elle, le visage étrange.

— Adèle ! dit-il d’une voix que l’émotion ébranlait, Adèle ! je ne peux plus vivre sans vous. Laissez-moi vous aimer.

Madame de Tilly, nous le savons, avait de la sagesse et du tact. Peut-être aussi que cette brusque déclaration ne fût pas pour elle une très grande surprise. Portant au jeune homme un sincère intérêt, elle avait dû remarquer sa figure amaigrie et ses yeux d’un éclat maladif et inquiétant. Il lui restait bien assez d’amour-propre pour deviner ce que tout cela pouvait présager.

— Mon ami, répondit-elle sans émotion mais avec douceur, si je vous écoutais nous le regretterions tous les deux. J’ai certainement de l’estime pour vous, mais je vous connais mieux que vous vous connaissez. Votre mal n’est pas de ceux qui ne guérissent pas, et vous vous méprenez sur sa nature. Du reste, je vous conterai peut-être un jour mon histoire, comme à un bon camarade, et vous saurez alors qu’il ne faut pas me parler d’amour.

Lozé voulut protester, mais elle poursuivit :