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ROBERT LOZÉ

vaise direction avait faussé. Aspirant au bien, il était en suspens entre la sophistiquerie vulgaire qui l’avait égaré et les déterminations viriles qui pouvaient transformer sa vie.

Ainsi ébranlé et hésitant, connaissant enfin sa réelle faiblesse, pressentant la route semée d’épines qu’il lui restait à parcourir, vaincu dans sa vanité, cherchant des points où il pourrait encore rattacher son orgueil, il avait revu les scènes familières de son enfance. Mille souvenirs oubliés étaient redevenus vivaces. Entouré d’une atmosphère nouvelle de sympathie et d’affection, serré dans les bras de sa mère, son cœur avait débordé ; il avait pleuré de joie, d’amertume aussi. Au bonheur du moment se mêlait le deuil amer de ses rêves.

La famille ne soupçonnait pas les émotions compliquées de leur parent. Pour elle, un frère était de retour. Elle voyait un jeune homme beau et distingué, un peu triste, mais bon, sans morgue, et si heureux de les revoir tous ! Elle en était fière.

Il fallut visiter parents et amis à la ronde, et on pense bien que le docteur de Gorgendière et la charmante Irène ne furent pas oubliés. Celle-ci surtout lui parut tout de suite digne d’attention. Il retrouvait en elle quelque chose du monde qu’il venait de quitter.

Irène, de son côté, la connaissance faite, trouva probablement peu de chose à changer à l’idylle secrète qu’elle s’était sans doute composée et qui devait ressembler à celle de la plupart des jeunes filles libres de cœur et sans expérience.

On sait que Robert était revenu au pays surtout pour obéir à madame de Tilly. Elle lui avait enjoint de se reposer, de se distraire, surtout de réparer ses négligences passées envers sa famille. Cette fois encore il dut reconnaître que son amie avait jugé sainement de ses sentiments et de son devoir, qu’il voulut accomplir de son mieux.

Cependant, parmi les siens, on lui avait supposé d’autres