surtout dans l’absolue oisiveté. Paresse, abjection, malpropreté, voilà cet être. Pourtant, explique qui pourra les mystères de l’âme humaine ! Maimon, un des philosophes de l’Allemagne, fut un vagabond. Barine dit que Kant, avant de pouvoir lire les manuscrits de ce gueux de génie, dut les faire fumiger, tant ils étaient infects. Quelquefois aussi, l’instinct brutal l’emporte sur la paresse. Malheur alors à la femme ou à l’enfant qui se trouve à la merci du monstre.
C’était sans doute un forfait de ce genre que Bertrand venait d’empêcher.
— Diable, pensa-t-il, je passerai peut-être en cour d’assises.
— Je cours chercher le médecin, dit Louise, plus affectée que lui.
— Va, et qu’il se dépêche. Ce sera toujours un témoin, répondit Bertrand.
Louise revint bientôt avec le vieux praticien de la localité. Celui-ci constata le décès, s’enquit sommairement des circonstances et se chargea d’avertir les autorités. On transporta le mort sous un hangar. Louise, qui demeurait au village, partit avec le médecin. Bertrand, déclarant qu’il allait se livrer à la police, traversa le grand pont en courant, entra dans le premier poste, raconta l’affaire et se constitua prisonnier.
L’homicide, même en légitime défense, est chose grave. En faisant son récit au sergent du poste, Bertrand le comprit mieux qu’au moment où le drame avait eu lieu.
Dès qu’il sût ce dont il s’agissait, le sergent l’interrompit.
— Un moment, mon ami, soyez prudent et n’oubliez pas que ce que vous allez dire pourra servir contre vous. C’est mon devoir de vous en avertir.
Mais Bertrand n’en persista pas moins à raconter l’affaire en détail, fort de son droit et certain d’avoir fait son devoir. Ce n’était pas seulement sa propre vie qu’il avait défendue,