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CHAPITRE XIV

En présence.


En ce moment, sous le coup de la torture morale et de l’épuisement physique, Robert se crut à jamais perdu. À ceux dont la vie a été bien remplie, les revers ne viennent pas sans de certaines consolations. Pour l’homme dont l’existence a été inutile et blâmable, le malheur est une massue qui écrase sans pitié. Frappé dans son orgueil et dans son ambition, Robert ne pouvait pas relever la tête et s’écrier : fors l’honneur !

De l’amour-propre exagéré, il était tombé dans l’extrême contraire. Il avait réellement plutôt gagné que perdu dans l’opinion, mais il ne s’en rendait pas compte. Les quolibets et les insultes de ses adversaires lui revenaient maintenant, comme autant de poignards enfoncés dans sa chair et qui le martyrisaient. Il se voyait perdu de réputation, pis encore, ridicule.

Cette jeune fille, si noble et si dévouée, sa fiancée, comment allait-il l’envisager ? Voudrait-elle encore de lui ? Si elle en avait encore pitié, comment l’épouser pour la traîner dans sa misère ? La misère ! Nouvelle souffrance plus pénible que les autres. Il ne pourrait pas même cacher sa honte, il lui faudrait l’exposer aux yeux de tous, car il ne pouvait pas se payer le luxe d’une retraite. Tous seraient témoins de ses souffrances et de son humiliation. Cela mettait le comble à son amertume. Ses économies s’étaient dissipées comme la neige au printemps. Littéralement, il n’avait pas le sou. Il jeta un coup d’œil sur ses vêtements