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ROBERT LOZÉ

dont il avait été si soigneux ; ils étaient défraîchis et souillés par cette campagne infernale d’un mois. Bittner, son associé interlope, auquel il avait écrit pour demander des fonds, lui avait répondu qu’il lui faussait compagnie. Un avocat plus jeune, moins scrupuleux, lui offrait de meilleures conditions. Dans ce monde là, les chacals s’entre-dévorent.

Le lendemain, hâve, épuisé, malade, négligé dans sa tenue, le front caché dans ses mains, il s’était assis sur le seuil de la maison paternelle. Près de lui, sa mère pleurait en silence, environnée de la famille attristée.

Tout à coup, le bruit d’une voiture roulant rapidement dans la montée fait lever tous les yeux.

Elle s’arrête devant le groupe de la famille réunie. Un monsieur et une dame en descendent et regardent autour d’eux en souriant.

Que viennent faire ici ces étrangers ?

Robert se dresse tout debout, ayant aux yeux l’éclair de l’animal blessé poursuivi jusqu’au gîte où il s’est blotti pour mourir.

À ce mouvement instinctif, presque aussitôt succède une stupeur profonde que partage toute la famille.

Sa chère vieille maman, qui n’avait pas eu pour lui assez de caresses et de consolations, le quitte et se jette dans les bras de l’étranger, qui l’embrasse tendrement et lui indique la dame à ses côtés qu’elle embrasse à son tour.

— Jean ! Mon cher Jean !

— Maman ! Mère chérie !

— Chère maman, je suis bien heureuse, ajouta la jeune femme, souriante sous les larmes, et d’un charmant accent étranger.

Ce coup de théâtre avait comme pétrifié tout le monde. Pour l’orgueil meurtri de Robert, c’était un nouveau coup de massue.