pour vivre. L’honoraire est leur but, la légalité leur unique frein. Sans doute, l’avocat, comme le prêtre et le médecin, doit pouvoir vivre de sa profession. Mais ce n’est pas une raison de faire de son bureau une boutique.
« C’est avec cela devant les yeux que je vais travailler. Peut-être n’étais-je pas vraiment appelé à l’état que j’ai embrassé. Il est certain que ces vocations ne sont pas communes parmi les hommes. Maintenant que j’y suis, je dois en accomplir les devoirs et observer de près cette chose complexe qui se compose des relations des hommes entre eux sous la direction des lois. Cette science ne consiste pas uniquement ni même principalement en la connaissance des textes, encore moins de savoir suivre le fil du dédale tortueux de la chicane. Il faut pouvoir peser ces lois dans la balance, découvrir comment, quelquefois dans leur forme, plus souvent dans la manière de les appliquer, elles s’écartent du droit et de la charité.
« Je sens bien que cet idéal est élevé. Sans doute beaucoup de gens se moqueraient si je le leur exposais. On me répondrait qu’avec de telles idées on ne vit pas au barreau. Il est même possible que mon zèle de néophyte m’entraîne trop loin. Pourtant, je ne le crois pas. Il me semble que lorsqu’on se reconnait impuissant à faire le bien ou à éviter le mal dans une certaine carrière, il faut en chercher une autre. Et je suis bien certain au moins que si j’exagère, c’est que je suis ébloui par la splendeur de la vérité nouvellement entrevue, comme un aveugle guéri qui, pour la première fois, contemple les beautés de l’univers. Tout cela, chère amie, me rapproche de vous, ce qui serait déjà une récompense plus que suffisante pour un effort beaucoup plus grand. Mais j’ai le sentiment que même au point de vue matériel, je n’aurai pas à me repentir d’avoir visé si haut. »
C’est ainsi que le jeune homme, ouvrant son cœur à sa fiancée, se raffermissait de plus en plus dans ses résolutions.