Page:Bouchor - Les Poëmes de l’amour et de la mer, 1876.djvu/256

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Mais nous, pourquoi penser à l’avenir ?
Joyeuse mer, tu n’en es pas moins belle,
Et le soleil, avant de se ternir,
Jette en nos yeux encore une étincelle.

Et nous t’aimons, nature au cœur amer,
Grande nature impassible et divine !
Quand d’un rayon tu réjouis la mer,
La volupté fait bondir ta poitrine.

Et quand l’amour de tes splendeurs nous prend,
Nous te donnons notre sang et nos âmes,
Et le souci de l’art tranquille et grand
Bouche nos yeux à la beauté des femmes.

Nous savons bien que nous ne pouvons pas
À tout jamais nous suspendre à ta bouche ;
Et que vers nous s’avance à larges pas
La mort, l’amante effroyable et farouche.

Mais va, sois belle, et nous t’adorerons,
Que les flots d’or et d’azur soient ton trône ;
Nous courberons l’orgueil de nos grands fronts
Sous un rayon du couchant vert et jaune.