Page:Bouchot - De la reliure, 1891.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
de la reliure

malin tourna la difficulté ; il dessina une belle personne en chemise et mit près d’elle un rouleau d’étoffe, pour qu’elle la pût tailler à sa guise, en suivant la dernière ordonnance du goût.

Combien le malicieux artiste se fût étonné lui-même, s’il eût pu vivre jusqu’à nous, et que devenu bibliophile, il eût comploté une exposition de la reliure dans les trois premiers quarts du dix-neuvième siècle ! Au lieu des incessantes transformations attendues, des vêtements de cuir présumés changeants et instables, c’est à une résurrection sempiternelle des choses passées, à une tradition enracinée, rigoureuse, à la copie froide des anciennes coquetteries qu’il se heurterait. Au hasard des rencontres, il reverrait les singuliers fantômes de Tory, des Ève ou de Le Gascon, les mêmes dorures, les mêmes fers, jusqu’aux titres pareillement écrits que jadis, avec leur irréguralité riante et leur maladresse cherchée. Et sans doute, il s’en voudrait de nous avoir autrefois réputés si inconsistants et si changeants, quand nous pouvons, au contraire, revivre éternellement les semblables histoires, reprendre sans cesse une idée sans y oser retirer ni ajouter rien.