Page:Bouchot - De la reliure, 1891.djvu/74

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fleur inconnue, d’emprunter au Japon un oiseau bizarre pour annoncer gaiement la Sylvie de Gérard de Nerval, vous écririez en arabe un conte d’Andersen. Cette rupture d’équilibre entre le contenant et le contenu est le pire contresens de nos reliures ; elle n’existe réellement que là, elle s’y étale dans une suprême inconscience. En vérité, est-il donc plus compliqué de faire autrement ? Quand Rœderer ou la veuve Clicquot exposent leurs produits, ils se gardent de figurer sur leurs étiquettes le houblon allemand, ou le raisin de Corinthe ; la bouteille dit simplement : « Je contiens du champagne, » et non : « Je renferme du pale ale. » On a beau assurer que les artistes d’Orient excellent à écrire un mot joyeux, et que les nôtres ne leur vont pas à la cheville sur ce fait, on exagère singulièrement. À tout prendre, les nôtres ont l’avantage de périphraser dans le même langage que celui du texte ; ils ont loisir d’inventer une vignette cadrant avec le reste, et quand tous les Japonais, les Persans, les Chinois auront dit leur dernier mot chez nous, que nous les proscrirons comme des ponts-neufs assourdissants et pénibles, l’œuvre des nôtres restera à titre de curiosité documentaire, de