Page:Boudin - La Fameuse Comédienne, 1688, édition Bonnassies, 1870.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

choses avec indulgence. Il la quitta aussy touchée de ses remonstrances qu’une femme de son caractère le peut estre, et fit tout disposer pour leur retour à Paris. Elle eut dans leur voyage toute la complaisance qu'il pouvoit esperer, et il eust esté à souhaitter pour luy qu’il eust esté plus long ; car sitost qu’il furent arrivez à Paris, elle recommença sa vie avec plus d’eclat que jamais, aidée des conseils de la Chasteauneuf, femme du portier qui ouvre présentement les loges à l' Hostel de Guénégaud.

Cette honneste confidente, qui avoit assez veu le monde pour en pouvoir parler, luy fit entendre qu’une jolie femme se perdoit par une attache que toute la terre pouvoit sçavoir ; que, de plus, il y avoit des amants à craindre ; que la pluspart des hommes ne se retirent pas aussy doucement que l’Abbé de Richelieu ; qu’à l’esgard de la tendresse, c’estoit une erreur dont il falloit se corriger comme nuisible à la fortune, et qu’elle ne devoit songer qu’à profiter de sa jeunesse ; que, si elle vouloit s’en remettre à sa prudence, elle conduiroit ses intrigues d’une maniere si secrette, qu’on ne le sçauroit jamais, et quelle pouvoit compter sur sa discrétion, qui estoit à toute espreuve. La Moliere, en l’embrassant, luy promit de suivre ses ayis : elle en a depuis si bien profité qu’elle n’a jamais refusé d’amants de la main de la