Page:Boudin - La Fameuse Comédienne, 1688, édition Bonnassies, 1870.djvu/49

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Chasteauneuf, pendant qu’elle faisoit languir un nombre infiny de sots qui la croyoient d’une vertu sans exemple.

Moliere, averty, par des gens mal intentionnez pour son repos, de la conduite de son espouse, renouvella ses plaintes avec plus de violence qu’il n’avoit encore fait ; il la menaça mesme de la faire enfermer. La Moliere, outragée de ces reproches, pleura, s’évanouit, et obligea son mary, qui avoit un grand foible pour elle, à se repentir de l’avoir mise en cet estât. Il s’empressa fort de la faire revenir en la conjurant de considérer que l’amour seul avoit causé son emportement, et qu’elle pouvoit juger du pouvoir qu’elle avoit sur son esprit, puisque, malgré tous les sujets qu’il avoit de se plaindre d’elle, il estoit prest de luy pardonner, pourveu qu’elle eust une conduite plus reservée.

Un espoux si extraordinaire auroit pu luy donner des remords et la rendre sage ; sa bonté fit un effet tout contraire, et la peur qu’elle eut de ne pas retrouver une si belle occasion de s’en séparer luy fit prendre un ton fort haut, luy disant qu’elle voyoit bien par qui ces faussetez luy estoient inspirées ; qu’elle estoit rebutée de se voir tous les jours accusée d’une chose dont elle estoit innocente ; qu’il n’avoit qu’à prendre des mesures pour une séparation, et qu’elle ne pouvoit plus souffrir un homme