Page:Boudin - La Fameuse Comédienne, 1688, édition Bonnassies, 1870.djvu/77

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ments que la Moliere avoit pour luy, et la connoissance d’une chose qu’il n’eust jamais osé esperer luy donna une joye sensible et d’autant plus grande qu’il creut par ce moyen se maintenir avec agrément dans la troupe, où il n’estoit pas aimé avec justice. Il a dans l’esprit une certaine finesse qui tient de la bassesse d’ame. Il s’attacha à examiner le foible de la Moliere, afin de s’en rendre le maistre. Il n’eut pas de peine à connoistre qu’elle vouloit estre applaudie en tout, n’estre contredite en rien, et surtout qu’elle pretendoit qu’un amant fust soumis comme un esclave, si bien que Guerin, qui est capable des dernieres souplesses, pourveu qu’il y trouve son interest, n’eut pas de peine à l’aimer à sa maniere.

La première preuve de passion qu’il luy donna fut dans des répétitions que l’on faisoit de quelques pièces nouvelles. Il avoit coustume de donner la main à la Guyot, pour la conduire : un jour, il l’offrit à la Moliere, qui l’accepta après un demy-refus, ce qui allarma la Guyot qui, naturellement, est fort jalouse, de sorte que, lorsque son amant revint de conduire la Moliere, elle le querella avec violence, luy disant qu’il avoit apparemment oublié toutes les obligations qu’il luy avoit, pour en user d’une maniere si impertinente ; luy, qui luy estoit redevable de sa fortune, puisqu’il devoit estre persuadé qu’on ne se seroit jamais avisé