Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/111

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fait-il que de bien faibles progrès. Mais au moins il ne recule pas et même les souffrances sont sensiblement plus supportables, tant il est vrai que la faculté n’en sait pas tant que la nature, ou pour mieux dire, c’est dans la nature que résident toutes les facultés, et non pas de l’université, mais de l’univers. C’est là où tu as pris tes degrés, c’est là ton école et on peut dire de toi, bien mieux que de saint Thomas d’Aquin, que tu es l’ange de l’école. Adieu.


Ce 2. — Il va mieux, mon enfant, ce vilain doigt qui m’a causé tant de tourments ; j’ai retrouvé le sommeil et je ne crains plus l’amputation. Il ne me reste plus qu’à éviter toute rencontre fâcheuse et cela est bien difficile, car le hasard dirige de ce côté-là tout ce qui peut me nuire ; il semble qu’il se plaise à déranger tout ce que la nature avait fait pour le mieux. Ils sont tous les deux chargés du soin de ce bas monde, comme mon ordonnateur et moi nous le sommes du soin de la colonie : je prépare tout, je mesure tout, je dispose tout, je veille à tout et il brouille tout. Malgré cela, tout va encore mieux qu’on ne croirait dans l’univers et même en Afrique, mais tant que je ne te verrai pas, je ne jouirai de rien, pas même du petit honneur que je tâche d’acquérir.


Ce 3. — De mieux en mieux ; il ne me reste que de la sensibilité et de la difformité. Mon doigt est comme ce pauvre Azor ; si tu étais ici, il t’intéresserait comme Zémire. Mais tout calculé, tout rabattu, j’aime mieux te le porter que t’attendre ici.


Ce 4. — Le chirurgien convient lui-même que mon