Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/112

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remède vaut mieux que les siens ; il ne me faut plus que du temps pour tout réparer, car le temps rétablit tout jusqu’à ce qu’il gâte tout. La mauvaise saison dans laquelle nous entrons est jusqu’à présent douce comme un petit mouton et j’espère que tu en seras quitte pour la peur d’être veuve. Voilà un vaisseau qui paraît.


Ce 5. — Il m’apporte des lettres de France, mais il n’y en a point de toi. Je ne suis qu’affligé, car comment pourrais-je être fâché ? Mais je pense que c’est ta maudite manie des eaux qui me cause ce chagrin-là ; je ne veux point t’en faire de reproche et j’espère de longtemps n’être point exposé à un pareil malheur. Que de changements en France et qu’il doit être difficile de s’y bien conduire au milieu de tous les intérêts, de toutes les passions, de tous les événements, qui agitent les esprits ! Quoi qu’il m’en dût coûter, je voudrais y être au moins une heure par jour, pour te voir, pour t’entendre raisonner mieux que les plus habiles et déraisonner mieux que les plus imbéciles, car tu as ces deux talents-là au suprême degré et le second n’est pas le moins charmant. Adieu, sagesse ; adieu, folie, je les embrasse toutes les deux sous la plus jolie forme qu’elles aient pu choisir.


Ce 6. — Je vois, mon enfant, que j’ai fait une grande école en permettant à M. Blanchot d’aller en France, car je reçois un congé pour la fin de l’année à charge expresse de ne partir qu’après son retour. S’il m’a jamais fallu quelque empire sur moi-même, c’est dans ce moment-ci pour m’empêcher de regretter d’avoir rendu un grand service ; mais il serait in-