Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/119

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Ce 19. — C’est une sotte chose que d’être une espèce d’homme public dans un pays où il n’y a que juste ce qu’il faut de témoins pour vous critiquer et de solliciteurs pour vous importuner, et personne pour vous encourager, pour vous aider, pour vous consoler. Il me semble tous les jours être au bout de mes ressources intérieures ; par bonheur qu’elles semblent renaître tous les matins, comme l’herbe fauchée de la veille grandit par la rosée de la nuit. Je te soupçonne de venir tous les soirs en esprit m’inspirer, me ranimer, me rendre le calme et la force qui me manquent ; si cela était, je te haïrais bien de ne venir qu’en esprit.


Ce 20. — Notre ami M. Bonhomme ne pense pas plus au voyage de Galam que moi à celui de la lune, et j’ai beau faire, beau presser, ordonner, expédier, les obstacles naissent les uns des autres et je crois qu’ils se soutiendront en filiation non interrompue jusqu’à la fin du monde. Je viens de recevoir des lettres des princes des bords de la rivière, qui annoncent du mécontentement et de l’inquiétude et qui font présager de grands troubles. Je m’en lave les mains ; si on était parti quand je l’avais proposé, rien de tout cela ne serait arrivé. Il fallait écouter ton bonhomme de mari, car on a eu beau te dire qu’il n’est bon à rien, il avait tout prévu, et tout ce qui arrive journellement semble avoir été écrit dans sa tête. Mais laissons tout cela ; cela finira de manière ou d’autre et moi je finirai par te revoir et te rebaiser avec plus de joie et plus de délices que jamais.


Ce 21. — Je pense souvent à ce mariage qui t’a