Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/122

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cité que moi, parce qu’il a moins d’autorité à opposer aux bourrasques et aux folies d’un homme qu’il déteste. Mais, si de ce côté-là je suis un peu mieux armé que M. Blanchot, je n’en trouve pas moins bien dur d’être toujours en garde contre un homme qui devrait me servir de bras droit et d’être toujours arrêté par la crainte de le perdre en le punissant. Je suis vraiment ici à l’école de toutes les vertus, dont les principales et les plus difficiles sont la résignation et la modération ; mais j’aurai beau en prendre l’habitude, cela n’ira jamais jusqu’à me résigner à ne te pas voir avant la fin de l’année et à me modérer dans les transports de ma joie au moment où je t’embrasserai.


Ce 25. — Encore des préparatifs ; je n’ai pas plus tôt passé cette barre, qu’il faut la repasser. Et pour qui ? Pour cette troupe de voleurs appelée la Compagnie du Sénégal. Je n’ai pas un moment à moi, parce qu’au lieu de t’écrire, il faut que je réponde à tout le monde, mais il faut surtout que je t’embrasse comme si tu étais là.


Ce 26. — Voilà mon passage retardé ; il règne un vent qui empêche de passer la barre. Ma vaisselle et mon linge sont au bas de la rivière et moi je suis dans l’île à la charité de mes amis, qui, par bonheur, n’en paraissent pas plus importunés que toi, quand tu m’as donné un habit.


Ce 27. — Je crois pourtant que nous passerons demain, d’autant mieux que le bon vent et le bon pilote sont revenus. Voilà que nous entrons dans ce qu’on appelle la mauvaise saison et jusqu’ici je n’ai