Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/125

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que toi si tu avais perdu ta patience. À propos de patience, je fais ramasser à une ou deux lieues d’ici une plante, qu’on dit beaucoup plus efficace contre les obstructions. Tu penses que je ne le sais que depuis deux jours, sans quoi tu en aurais depuis longtemps une superbe provision. Au reste je me console de mon ignorance en pensant que tu aurais abusé de mes dons et que plus le remède aurait été actif plus il aurait été dangereux. D’ailleurs tes obstructions sont-elles bien vraies ? Elles ont échappé jusqu’à présent à la grossièreté de mes organes et j’ai peur qu’elles n’existent que dans le moins obstrué de tous les esprits. Adieu, jolie folle ; adieu, aimable enfant ; adieu, bonne femme.


Ce 3. — Sais-tu que je deviens un architecte de premier ordre ? Je viens de faire un plan de réparations et de changements à faire à mon très petit gouvernement, qui, d’un vilain presbytère, en feront un petit palais de fées, mais un palais que d’autres, à ce que j’espère, habiteront pour moi. Je t’enverrai mon plan et tu verras par toi-même si je ne serai pas digne de ta confiance pour la demeure qui doit un jour nous réunir. Mais voici un vaisseau qu’on m’annonce et le cœur me dit qu’il m’apporte des lettres de ma femme.


Ce 4. — Tu ne te lasseras donc jamais d’être la plus charmante, la plus sublime, la meilleure des créatures ? Quand je dis créature, je devrais dire créatrice, car je n’ai jamais rien vu, rien lu d’aussi différent de tout autre chose que ce que tu écris. Je m’abaisse, comme dit M. Necker, devant autant de vertu et surtout je me relève bien vite pour te baiser