Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/127

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un grand village appelé Rufisque, dont les habitants nous avaient manqué. J’avais envoyé pour cela trois bâtiments chargés d’hommes et de canons et suivis de petites pirogues. Les bâtiments devaient mouiller à près d’un quart de lieue de terre, à cause qu’ils tirent plus d’eau ; les pirogues devaient servir à descendre les hommes sur le rivage et les canons à tirer sur ceux qui auraient pu s’opposer au débarquement. Les hommes une fois débarqués étaient armés de longues piques au bout desquelles j’avais fait entortiller des paquets d’étoupes goudronnées, pour mettre le feu dans toutes les cases et dans tous les magasins. Mais pendant que cela se serait passé, il était possible qu’il se rassemblât cinq à six mille nègres contre mes quarante blancs et qu’on leur coupât la retraite et peut-être quelque autre chose. J’avais bien disposé quelques petits canons portatifs au bord de l’eau pour tirer sur les poursuivants, mais tout cela aurait-il été bien exécuté ? C’est ce qui m’inquiétait surtout en pensant que mon petit Villeneuve était de l’expédition. Aussi ai-je éprouvé un vrai soulagement en les voyant revenir vainqueurs sans s’être battus. J’ai médité depuis en cas de nouvelle insulte sur les moyens de punir les insolents sans aucun risque. Le canon à une grande portée fait peu de chose, lorsqu’on ne peut pas rougir les boulets, et cela serait fort dangereux à faire sur des vaisseaux. J’ai imaginé de couvrir un boulet d’étoupes bien goudronnées, bien imprégnées de poudre, de soufre, de nitre, de salpêtre, d’huile d’aspic, etc. Cette perruque colle parfaitement à la tête du boulet par le moyen du goudron, qui lui sert de pommade, et jamais toupet ni boucles postiches n’ont mieux tenu. J’ai fait charger hier deux de ces boulets coiffés