Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/129

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meilleur ouvrage et une mère son plus joli enfant. J’espère qu’il t’en donnera encore d’autres preuves.


Ce 11. — La mauvaise saison continue à être bonne et je crois que sans les maringoins et les nègres nous n’imaginerions pas être en Afrique. Imagine que dans ce moment, sur environ cent cinquante hommes nous n’avons que cinq malades et presque tous expiant leurs péchés d’Europe. Je vais encore assez souvent à la maison de campagne que je me suis bâtie à une lieue d’ici et je n’ai trouvé qu’une seule fois la mer de mauvaise humeur. Cette maison est une grande case, que j’ai nommée Château de paille, autour de laquelle j’ai fait différents petits établissements. J’y ai mes chevaux, mes chameaux, mes poules ; j’ai fait faire un petit jardin, qui me donne tout ce que celui de Gorée me refuse. J’y ai creusé deux fontaines, qui me donnent de l’eau digne de Serre-Lionne ou de Vausaillant, et, comme je crains quelques mauvais tours de la part des nègres, je vais y bâtir une tour en pierre avec un petit canon pour m’assurer de tout le pays. Tu ne peux pas te représenter l’activité que j’ai soufflée à toute ma petite peuplade. À mesure qu’on voit l’utilité des choses on redouble de zèle et comme j’ai confié le soin des divers ateliers à de très jeunes gens, qui s’en trouvent très honorés, je n’ai plus qu’à retenir au lieu d’avoir à pousser comme autrefois. Ce que je fais ici ressemble à ce que j’ai toujours fait : tu sais qu’avec de pauvres rosses j’ai parcouru l’Europe, allant toujours grand train et à grandes journées. C’est ce qui m’arrive encore sous une autre forme dans tout ce que j’exécute avec de bien faibles compagnons de travaux. Mais tout cela vaudra mieux à