Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/130

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te dire cet hiver au coin de ton petit feu, après avoir parlé d’autre chose dont je ne veux point parler ici, parce que les souvenirs les plus doux finissent par être amers ; souvent même ils excitent les larmes, comme certains rayons de soleil qui amènent la pluie.


Ce 12. — J’ai eu cette nuit une migraine plus forte que je n’en avais senti depuis dix ans. Il s’y joignait un mal de dents horrible et des coliques assez violentes et surtout assez inquiétantes, car j’ai cru à la dysenterie. Mais je me trouve mieux ce matin ; il ne me reste que de la fatigue d’avoir souffert au delà de mes forces et une fluxion sur les dents qui, à ce que j’espère, se dissipera bientôt. La Faculté, comme tu l’imagines bien, s’est présentée sur-le-champ chez M. le Gouverneur ; mais comme il jouissait encore de toutes ses facultés, il l’a remerciée de ses offres et lui a dit qu’il en profiterait quand il serait mort. Au fait, je me trouve mieux, au lieu que deux de mes amis qui pour beaucoup moins ont pris des médecines parlent d’en reprendre encore, en attendant un petit vomitif, et ils comptent remplir l’intervalle par des boissons apéritives et des lavements émollients. Les sottes bêtes que les hommes et les infâmes gueux que les médecins ! Crois-moi, il n’y a que toi et moi qui ayons le sens commun.


Ce 13. — Mes maux ont fait comme mes ennemis : ils se sont rendus sans combat et je me porte aujourd’hui comme dans les plus beaux jours de ma vingtième année. Je te vois d’ici faire une jolie petite grimace que je te pardonne de bien bon cœur, parce que je ne la mérite point. Je ne sais si c’est la