Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/144

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maître d’hôtel la Providence, qui ne laissa jamais ses enfants au besoin ; il arrive tantôt des biches, tantôt des sangliers, tantôt des tortues et toutes nos inquiétudes sur la famine se terminent par des indigestions. Mes hôtes et mes hôtesses paraissent très contents de moi et je le suis infiniment d’eux tous ; je crois qu’ils reprendront bientôt leur route et j’espère qu’au milieu de leurs complaintes sur les misères de ces pays-ci, ils manderont quelque bien de celui qui aide à les supporter. Adieu, ma chère enfant ; si tu m’aimes encore, aime-moi toujours ; si tu as fini, recommence.


Ce 6. — Nous nous sommes encore promenés aujourd’hui à cheval dans les États futurs que je compte acquérir et à mesure que je suis près d’en prendre possession, je sens naître en moi un certain esprit de propriété qui me fait trouver tout charmant. J’espère dans peu être à peu près souverain d’environ dix lieues de pays et mon projet est de confier au petit Villeneuve l’exécution de mes différents plans économiques et de lui donner le cinquième du produit net, à condition que ce cinquième-là ne sera point excédé par les dépenses de culture et de gestion. Personne n’est plus en état de remplir cette charge-là selon mon esprit et selon mon cœur, et, pendant que nous nous occuperons toi et moi à faire venir des fleurs et des choux autour de notre cabane, nous apprendrons de temps en temps l’arrivée de mille ballots de coton et de cinq cents quintaux d’indigo ; ton vieux mari partagera ses richesses africaines avec sa bonne femme, et sans sortir de notre médiocrité apparente, nous serons comme ces enchanteurs des Mille et une nuits qui le disputent