Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peut pas se persuader que l’ancien colonel ait donné sa démission. Tu vois que je te regarde toujours comme au service de ton très humble et très obéissant serviteur.


Ce 4. — J’ai ici une belle dame et une jolie demoiselle, Mme  la baronne et Mlle  d’Evieux. Il est un peu piquant que la première femme qui aborde ici ne soit pas la mienne. Hélas, les pauvres dupes vont à Cayenne chercher une fortune, que personne encore n’y a trouvée ; ils ont relâché ici pour y acheter quelques nègres, dont leur future demeure est absolument dépourvue et pour laisser à leur conducteur le temps de nous vendre bien cher de mauvaises denrées dont nous manquons. Si tu voyais dans quelle chaumière est logée cette pauvre caravane, tu ne serais pas tentée de venir ; il est vrai que tu as un autre logement qui n’est guère plus commode en ce moment-ci, mais qui le deviendra l’année prochaine. J’ai même envie à ce sujet-là de t’envoyer mes plans, afin que tu te décides entre M. Chapetel et moi. En attendant ton arrivée, je commence à préparer mon départ et je viens de donner l’ordre d’emballer mes effets dans du coton au lieu de bourre et de foin. Le premier mot que j’en ai dit m’a fait un certain effet que je ne saurais te rendre ; j’ai dans ce moment-là regardé ta dévote image et lui ai trouvé l’air d’être exaucée. Mais, à propos, peut-être que tu ne m’aimes plus ?… Tiens, je n’en crois rien.


Ce 5. — On dirait que je suis gouverneur de Saint-Domingue au lieu de l’être de Gorée. J’ai tous les jours trente couverts sans qu’on sache jamais la veille de quoi l’on vivra le lendemain. Mais j’ai pour