Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/146

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dans de petits batelets sans abri, et j’ai bien peur que ce pauvre diable, pour avoir voulu s’amuser un moment, ne périsse. J’ai goûté un peu de miel, dit Salomon, et voilà que je meurs. C’est un très bon garçon, je lui ai donné une petite place, et il m’est très utile par son talent pour le cheval ; mais tout cela est fini ou je me trompe fort. Adieu, ma fille ; je suis trop triste pour ne pas craindre de t’attrister. Adieu.


Ce 9. — Ce pauvre malheureux, dont je te parlai hier, est sans connaissance et sans espérance ; il paraît qu’il souffre horriblement, mais peut-être n’en sent-il rien, car son âme n’est sûrement point à la position où elle doit être pour recevoir les plaintes des différents organes attaqués. Les esprits animaux vont et viennent, et rapportent au siège de la sensibilité les différents désordres qui surviennent dans chaque partie, et c’est la connaissance, ou, si l’on l’aime mieux, la perception de ces troubles intérieurs qui fait la douleur. L’âme sensitive ainsi affectée en fait part à l’intellectuelle et celle-là pourvoit de son mieux à tout. Voilà, je crois, la marche des choses ; il est triste de l’étudier sur un pauvre mourant, à qui toutes ces notions-là ne serviront plus de rien. Il est à présent constant que ce pauvre diable meurt d’un coup de soleil. Je l’ai pensé dès le premier moment, je voulais même en conséquence lui faire envelopper la tête avec des serviettes mouillées d’eau froide qu’on aurait continuellement arrosées, pendant qu’il aurait eu les jambes dans l’eau tiède qu’on aurait échauffé par degré. Au lieu de cela la médecine a voulu saigner, purger, clystériser, attendre, émétiser, mettre les vésicatoires, etc.