Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/150

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suis encore plus coiffé que de mon chapeau blanc ; il ne me défend que des dangers du soleil et tu me défendras de tous les ennuis de la vie.


Ce 13. — Nous avons de temps en temps des averses dont rien ne peut donner l’idée en France. Imagine qu’il tombe presque autant de pieds d’eau en Afrique que de pouces à Paris et cependant il ne pleut ici que pendant trois mois et dans ces trois mois-là à peine quatre ou cinq jours par semaine. Mais chez toi ce sont des gouttes et chez nous ce sont des cruches. Si les ouvriers et les matériaux ne m’avaient pas manqué, j’aurais fait ici de grandes citernes, car nous y avons de la pozzolane que M. Marchand, grand naturaliste, dit impossible de distinguer de celle du Vésuve. Je doute que nous ayons trouvé le vrai mélange et je crois même à ce sujet-là t’avoir écrit il y a bien longtemps, bien longtemps, d’en parler à mon rival adroit, M. de Faujas ; mais tu ne lis pas mes lettres et je ne suis pas à m’en apercevoir. N’importe, je t’écris toujours pour faire comme si tu m’aimais, parce que c’est un moyen de plus de me le persuader.


Ce 14. — Tout va toujours assez bien, excepté que tout va toujours doucement. Mes ouvriers sont morts, malades ou convalescents ; le peu qui en reste est excédé de chaleur et de fatigue. Cependant les travaux ne sont point interrompus et tu le verras par un corps de garde que je viens de bâtir par nécessité et dont je t’envoie l’élévation en perspective. Je t’enverrai aussi un de ces jours le plan de mon gouvernement futur, où j’espère bien qu’un autre habitera, et celui de mon église, où je ne compte pas