Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/154

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bâtiments, ont si bien fait que les noirs n’ont point osé approcher, quoiqu’ils ne cessassent de réclamer leurs prétendus droits et que le bâtiment, quoique brisé dans ses fonds et engravé de quatre pieds dans le sable, a été réparé pour le moment, relevé, mis à flot et que dans cet instant même il a toutes voiles dehors, escorté de toutes les chaloupes et des autres petites embarcations du port, qui le ramènent en triomphe. J’ai déjà reçu diverses ambassades des noirs, que j’ai traités fort honnêtement en leur disant que s’il leur arrivait jamais quelque malheur je tâcherai de leur rendre les mêmes services, mais qu’ils doivent bien juger, à la conduite qu’ils m’ont toujours vu tenir, que je ne laisserai point prendre et piller mes gens à la portée de ma vue et presque de mes canons, que d’ailleurs je suis le bon ami de leur roi, que je n’ai rien fait de contraire aux conventions particulières passées entre lui et moi et que je me flatte qu’au lieu de m’en vouloir il m’applaudira, que du reste je demande l’amitié des autres pour leur bien, mais que je ne crains la colère de personne. Ces gens-là ne savent point que cet homme si fier devant eux se croit perdu à la moindre altération qu’il aperçoit sur ton joli petit visage. Quand le reverrai-je ce charmant visage, dût-il encore froncer son beau sourcil ? Je suis comme un captif qui demande à sortir de sa prison, dût-il faire mauvais temps dehors. D’ailleurs ces orages-là ne durent point et la sérénité qui leur succède est si belle, si riante, si réjouissante, que je ne crois jamais l’avoir achetée trop cher. Adieu, ma femme, ne te laisse point gâter par tous mes compliments et corrige-toi de ton humeur si tu veux que je t’aime toujours, sinon..... je t’aimerai encore toujours.